Parler à nouveau… Ouf ! L’idée de demeurer muet, m’a laissé songeur. Privé de ce potentiel pour communiquer, ça doit être tout un défi social à surmonter pour les personnes malentendantes ou muettes. Heureusement, qu’elles disposent du LSQ : la Langue des signes québécoise !

Installation éphémère Fragment du tableau… Convoitise cortézienne • L. Couture • 2023. • Relecture d’épreuves et grains de sel : remerciements à l’aidant surnaturel Lejardinier.

Pour guérir d’une maladie, parfois l’hospitalisation s’avère être un passage obligé. Composer avec cette réalité restait pour moi un grand défi, en ce deuxième jour à l’Hôpital de Hull. 

Dès le mardi 10 janvier, je sentais que j’étais hors de danger. Grâce aux soins que j’avais reçus, je reprenais des forces. Pour les deux jours qui devaient suivre, le mot situation rimait de plus en plus avec évaluation.

Puis, d’un commun accord, le Prince Cérébros, mon grand ami protecteur imaginaire, tenait à me donner plus d’espace. Mon « JE » se devait de redevenir le narrateur principal de ce récit.

Je lui ai alors proposé d’aller en mission, pour explorer ce vaste hôpital moderne et m’aider à comprendre les défis auxquels fait face notre époque dans le domaine de la santé du secteur public québécois.

* * *

Pour la famille et les amis… Des nouvelles de Louis

RECONNAÎTRE LES SIGNES D’UN AVC ?

CONVOITISE CORTÉZIENNE • L. Couture • Acrylique sur toile • 24 x 36 po • 2013

Contribuons à la FONDATION SANTÉ GATINEAU ! Appuyons nos hôpitaux régionaux !

DES AVENTURES COMMENTÉES
PAR LE PRINCE CÉRÉBROS
ET MOI-MÊME…

Troisième partie :
Le couloir-dortoir

* * *

UN NOUVEAU JOUR SE LÈVE

Au petit matin, l’horloge indiquait 5 heures. Tout était beau ! Tu n’avais pas fait d’hémorragie.

Tu as appelé ton infirmière. Tu lui as gesticulé que ça faisait vingt-quatre heures que tu étais allongé et patati-patata… Tu as deviné un sourire sous son masque protecteur bleu. Microbes obligent !

– Bien sûr, monsieur, où voulez-vous aller ?

Tu étais sidéré par sa réaction si calme… Tu lui as fait comprendre que là-bas, derrière ces deux portes là-bas, tu savais qu’il y avait… des toilettes ! Une denrée rare dans un monde collectivisé.

– Oui, c’est bien… allons-y, si vous arrivez à marcher !

Une vraie traversée...

Je vous suivais pas à pas, pour voir ta réaction à la vue de ce qu’il y avait derrière ces portes… Et, quelle révélation ! ¡ Increíble !

Nous traversions une salle immense. Avec, au centre, un imposant poste d’infirmerie. Tout autour, des cubicules à rideaux occupés par des malades, parfois accompagnés d’un aidant surnaturel endormi sur un fauteuil…

Tout était trop calme ! Tu avais l’impression de traverser un mouroir. De l’un de ces rideaux bleus, Mama Thérèsa allait-elle surgir ? Cette traversée te décentrait pourtant de tes malheurs.

Chemin faisant, l’infirmière t’a dit trois choses. D’abord qu’il y avait, là et là, deux toilettes accessibles. Puis, en observant ta démarche, que tu étais très fort. Et, enfin, qu’elle devait retourner à son poste, en te demandant si tu pensais pouvoir retrouver ton chemin.

On t’évaluait peut-être. C’était bien, car tu te sentais en plein contrôle ! Puis, le retour a été réussi. L’AVéCiste en jaquette : de moins en moins un « cas » !

UN AVANT-MIDI TRÈS COOL

Puis, tout s’est mis à bouger. La très travaillante Mélissa était ta nouvelle infirmière du jour. Tu as quitté l’Espace 55, pour te retrouver stationné juste près de l’autre poste d’infirmerie.

Les interactions du personnel infirmier t’ont rappelé à quel point l’humour peut détendre l’atmosphère dans un endroit si stressant.

Au repas du matin, tu as découvert les joies du « mou », en mangeant tout ce qu’il y avait sur ton plateau. Le corps est un animal mangeant !

Se dégourdir et rire...

Puis, avec l’accord de Mélissa, tu pouvais te lever et aller marcher hors des portes de cette magnifique « salle de trauma ».

Afin de ne pas être dans la « circulation », un inoubliable paramédical t’a fait découvrir un long bout de corridor désert où tu pourrait te promener en circuit fermé.

Un endroit calme où tu pourrais commencer à essayer de parler à haute voix. Un vrai cadeau !

Et de retour à ta civière, tu as fait rire l’infirmerie au complet. Tout à coup, Mélissa a répondu à un appel urgent et elle a crié…

– Est-ce que quelqu’un ici parle espagnol ?

De ta civière, toi, son patient muet, a tout de suite levé le bras très haut dans les airs. Il y a eu un éclat de rire généralisé. Il n’y avait pas à dire : l’espagnol ne te lâchait pas et l’humour se mettait de la partie !

Puis, ton docteur Nochez est passé pour t’informer qu’il t’avait trouvé un autre espace plus calme où tu pourrais mieux dormir. Fort compréhensif cet homme !

Ensuite, il a essayé, sans succès, de te faire prononcer quelques mots très simples, des mots que tu n’avais pas encore explorés. Le corps est aussi un animal parlant !

Alors devant lui, sans attendre, tu t’es mis à énumérer, à haute voix, une série de mots que tu avais déjà appris. Et, tu pointais du doigt chaque objet, chaque lieu en les nommant. Il a alors semblé très surpris et encouragé. Le corps se situe dans l’espace et le temps !

LE RETOUR AU « JE » 

Jusqu’ici, moi Prince Cérébros, je t’avais accompagné dans cette épreuve en t’offrant ma protection. Mais, tu devais reprendre le fil de ton histoire con tus palabras, avec tes propres mots et je t’ai dit à l’oreille…

– Luis… Écoute Louis ! Le moment est venu pour toi d’oser parler à nouveau. Je vais te laisser plus d’espace.

– Il faut que les sons de ta langue sortent à nouveau de ta bouche !

– Je te laisse reprendre le fil de ton récit. À toi de jouer au « JE » ! À toi de décrire la vie dans ce nouvel Espace 45

La parole était désormais à Louis…

SOUS L’AILE DE MARC-ANTOINE

L’Espace 55 glissait dans le passé. Au bout de quelques minutes, après avoir traversé un long corridor, je découvrais le Couloir B et ma nouvelle adresse : l’Espace 45.

Autour de l’espace 45...

À droite, une intersection menant à un poste de commande infirmier. Dans l’autre sens, je découvrirais bientôt deux autres portes menant à une autre grande pièce, avec encore plein de patients !

Ce dortoir allongé n’était certes pas une chambre privée, mais ici, c’était plus calme. À proximité : trois salles de bain, dont une avec douche ; des prises de courant partout. Puis, une petite pièce avec une fontaine, de la glace, des verres.

Je continuais, bien masqué, à observer, à m’habituer à cet autre monde. Une planète étrange, où une journée d’hospitalisation dure une éternité.

L'inévitable promiscuité...

Dans ce couloir-dortoir, je dois avouer qu’il n’y a pas vraiment de vie privée. C’est plutôt le règne du « un pour tous, un comme tous ».

À partir de leur téléphone intelligent, des patients ont parfois des conversations avec leurs proches, à micro ouvert. Reproches, frustrations et parfois colère. Pas facile d’accepter la maladie ! On cherche un sauveur : une fille, un fils, une nièce, un ami, une cousine…

Et, les conversations entre les médecins traitants et les patients se passent souvent  à ciel ouvert. C’est une confidentialité partagée !

Mais, comment cela pourrait-il se faire autrement ? À la guerre comme à la guerre, étant donné leur nombre croissant et le peu de chambres, on offre comme gîte le couloir-dortoir aux « blessés » d’une génération vieillissante.

Des moments pénibles sont ceux au cours desquels le médecin annonce à son patient qu’il ne peut pas l’autoriser à retourner à la maison, à cause de la gravité de son état.

Rapidement, mon nouvel infirmier du soir s’est présenté à moi pour le bal des signes vitaux. Marc-Antoine : un gars avenant et… patient ! La force de la bienveillance incarnée !

À ma demande, il m’a montré comment ajuster mon lit-civière ; il est allé me chercher une barre de savon ; il m’a dit que j’étais bien inscrit au « mou » pour les repas à venir.

Merci à toi Marc-Antoine et à tes collègues ! Merci au gouvernement du Québec et du Canada ; aux contribuables ! Merci à la vie !

Car ces soins, depuis le début de mon AVC, étaient gratuits ! Je n’avais qu’à m’occuper de ma guérison, pour retrouver mon autonomie.

Et pour y arriver, je marchais le plus possible, surtout après les repas. J’essayais de prononcer des mots, de nommer les choses.

Je faisais mon possible pour ne pas laisser ni l’esprit ni le corps s’ankyloser.

UN MERCREDI MOUVEMENTÉ

Le lendemain a été très occupé. L’aidant surnaturel Lejardinier a bravé tous les microbes de la Terre, pour me visiter et m’apporter quelques effets personnels.

Bien masqué, il avait peu à risquer, mais sait-on jamais ?

Puis, ce fut la visite de l’ergothérapeute Yatan qui procéda à l’évaluation de mon état.

Ergothérapie...

En commentant son contenu, elle m’a offert un volumineux document d’exercices à pratiquer, entre autres, pour retrouver la dextérité fine de ma main droite.

Puis, je lui ai décrit la maison où je vivais, avec qui je vivais, etc. Ensuite, nous sommes allés faire une promenade dans le labyrinthe des urgences.

Le test suprême a été de monter à ses côtés un escalier vertigineux qui mène au rez-de-chaussée de l’Urgence.

Sa conclusion, plutôt encourageante, a été qu’elle doutait que nous ayons besoin de travailler ensemble. J’étais peut-être déjà sur la voie royale de l’autonomie.

LE RETOUR DE LA PAROLE

Je n’oublierai jamais ce mercredi soir. Alors que je faisais les cent pas dans le couloir, j’ai enfin réussi à dire à voix haute une phrase complète, pas seulement des mots épars mal prononcés…

– Je m’appelle Louis Couture et je recommence à parler…

Mon grognement sourd avait fait place à cette phrase que j’arrivais à répéter plusieurs fois. Ça tenait bon ! Je devais tout de suite la partager avec quelqu’un. Mais avec qui ? 

Pas très loin, sur des civières voisines, il y avait deux patientes très sympathiques qui jasaient depuis un bon moment…

En m’approchant d’elles, elles semblaient se demander ce que je leur voulais. J’ai pris une grande respiration et je leur ai répété ma fameuse phrase…

– Je m’appelle Louis…

Je pense que je venais de faire leur soirée ! Elles étaient vraiment contentes pour moi. On a échangé quelques paroles.

C’était un peu chuinté, je bégayais, mais je pouvais me faire comprendre. Je retrouvais donc la parole. Ça venait de débloquer ! Par la suite, j’ai dormi presque douze heures en ligne. Mon humanimalité avait besoin de repos !

UN JEUDI DE REMISE EN LIBERTÉ

Jeudi 12 janvier : coup de théâtre ! Après le petit déjeuner, le Dr Nochez arrive radieux sous son masque.

Il m’examine, fait une brève évaluation : j’arrive à répondre à quelques-unes de ses questions en anglais, en espagnol, et il partage avec moi une nouvelle fantastique.

Si mes derniers examens sont bien beaux, je pourrais retourner chez moi, dès aujourd’hui…

J’aime bien l’attitude du neurologue Nochez : avec lui, je ne suis pas un autre « cas », mais bien un corps pensant et agissant !

Après, tout s’est mis en place très rapidement : j’ai eu la visite d’une assistante du Dr Manville, puis du cardiologue en personne. Des suivis sont fixés.

Quelques minutes plus tard, je fais mes bagages. Je traverse mon couloir-dortoir pour une dernière fois.

Je reprends l’escalier vertigineux d’un pas sûr. À la réception on appelle un taxi pour moi, en précisant que je ne parle pas.

Le chauffeur s’inquiète à savoir qui va payer pour ce trajet. Je le rassure en lui montrant deux billets de vingt dollars. J’ai écrit mon adresse en grosses lettres sur une feuille de papier.

Ça roule ! Il fait beau ! Ma destination : notre maison, mon havre de paix, une liberté retrouvée, un début de réhabilitation…

J’assume donc ce que je suis : un corps humain en quête d’autonomie !

À suivre prochainement :
LE GRAND RETOUR
et le départ du Prince

Fin février… Enfin, prêt pour un café réconfortant avec l’ami Bernard.
Photo : B. Lemieux. • Exploration numérique : L. Couture.

Il va bien falloir communiquer la nouvelle à la famille et aux amis. Mais, comment les rassurer ? Ce mardi-là, composer un courriel va occuper beaucoup mon temps…

SE FAIRE AU FUR ET À MESURE
• Récemment remodelé et renommé PRINCE CÉRÉBROS • L. Couture
• Techniques mixtes sur toile
• 11 x 14 po • 2003-2023.

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