Cet article s’inspire du jeu « Alter Papagei ». C’est un jeu inventé, il y a de cela très longtemps, par le célèbre orthophoniste allemand Ludwig von Schuschür (comme dans Louis Chouchure!!!) laughing. Et, à ce qu’on dit, ça fonctionne dans toutes les langues…

Tu connais quelqu’un qui a souffert d’un AVC, avec perte de la parole, tu ne sais pas quoi faire ? Ce jeu pourrait te donner des idées pour aider cette pauvre personne. • Installation photographique Papagei-1 • L. Couture • 2023.

Mise à jour : mars 2023
Photos : L. Couture

* * *

L’ART DE LA PARLURE

Ce jeu n’a absolument rien de scientifique et encore moins de médical. Il est inspiré par une expérience personnelle qui pourrait donner espoir à des personnes qui ont vécu une expérience semblable à la mienne et qui se retrouvent désemparées.

Après un AVC (accident vasculaire cérébral) – qui implique parfois une perte de la parole – ce n’est pas facile de retrouver la capacité de parler. 

Tout cela, bien sûr, si un examen médical, neurologique ou orthophonique conclut que l’on devrait être capable « physiquement » de parler à nouveau. Car voilà, la parole transite par le cerveau et le corps, et, ce n’est pas simple !

Ainsi, avant qu’un pauvre Louis Chouchure ne redevienne Louis Couture, il lui faut remonter dans le temps et oser à nouveau apprendre à prononcer des lettres, des mots, des sons de toutes sortes, des phrases, un peu comme il l’a fait lorsqu’il était enfant.

Il faut s’armer de patience. Même si, au point de départ, tu tombes en marchant… ou si tu préfères : si ce qui sort de ta bouche est un véritable cha’charabia, il faut le moins possible laisser les personnes de ton entourage – si bien intentionnées soient-elles – parler à ta place. N’oublie pas : se taire, c’est se soustraire !

Il faut se faire trapéziste, en passant d’un mot à l’autre ! Il faut vouloir parler, il faut s’aimer beaucoup ; et surtout, il faut s’amuser de son état, en restant créatif.

Oui, tu pourrais t’amuser tout au long de ce processus de guérison au lieu de t’apitoyer sur ton pauvre sort

Ce jeu s’adresse surtout à l’homme québécois qui, en famille, a souvent tendance à laisser parler les femmes, préférant suivre la tradition séculaire de se retirer, au fil du temps, dans une sorte de curieux mutisme.

Mais les femmes victimes d’un AVC, ou autres maladies qui impliquent une perte temporaire de la parole, peuvent bien entendu s’inspirer d’un Vieux perroquet comme moi. 

* * *

Pour la famille et les amis… « Des nouvelles de Louis »

RECONNAÎTRE LES SIGNES D’UN AVC ?

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OSER PRENDRE LA PAROLE

Ne plus confier ta parole à d’autres personnes est peut-être déjà un pas dans la bonne direction. Comme ce serait formidable ! Si tu franchis ce pas, on pourrait parier qu’il y a de bonnes chances pour qu’une forme de communication verbale puisse t’appartenir à nouveau.

Si tel est le cas, fais alors de gros efforts pour communiquer en essayant de parler à nouveau ! 

Mais pour y arriver, si tu es un homme, tu devras ranger loin, très loin en toi, ton bel orgueil traditionnel de mâle ; et, si tu es une femme, ta belle fierté féminine tout droit sortie de Mai 68 !

LES ORIGINES DU LANGAGE...

Ne t’en fais pas trop, car n’oublie pas qu’au début de l’humanité, parler c’était râler et grogner une série de sons pourtant déjà porteurs de sens.

Et, par les temps qui courent, comme tu peux le constater, certains ont restauré le « râlement du début des temps » comme langage sociopolitique.

Aussi, avant que cette évolution anthropologique ne soit codifiée dans des habitudes et culturelles, et, dans des règles bien précises pour communiquer un message, dis-toi que cela a pris des siècles et des millénaires avant que nous parlions comme la belle noblesse cultivée de Versailles ou la bonne société de Buckingham Palace ou d’Oxford !

Toi, comme tu en as de la chance de refaire un chemin semblable, en t’appropriant à nouveau une parole : la tienne.

AVERTISSEMENT...

Ce « jeu de rien » risque de déranger ton entourage. Ils vont peut-être te prendre pour un fou. Mais, ne t’occupe pas trop d’eux, fais-leur juste comprendre que tu fais de l’orthofunny !

Si tu es en institution (hôpital ou centre de réhabilitation), demande à ton orthophoniste, à ton neurologue ou au médecin traitant, s’ils peuvent t’aider à réserver, pour une brève période, une pièce plus privée, comme une salle familiale, afin que tu puisses parler à haute voix sans incommoder les autres patients.

Pour t’entendre parler, tu peux aussi enregistrer ta propre voix à l’aide de l’utilitaire « Dictaphone » si tu as un téléphone intelligent ou un ordi qui offre une telle possibilité.

Aussi, il ne faut pas trop en faire en même temps, pour ne pas t’épuiser. Il est préférable d’y aller au jour le jour.

Si, après avoir fait cet exercice, tu te sens très fatigué, accorde-toi un moment de silence, et, même au besoin, quelques minutes de sieste. Parler c’est un processus très complexe qui demande beaucoup d’énergie.

Guérison et neuroplasticité...

Un article fascinant sur la guérison et la neuroplasticité. Source : FlintRehab

LES RÈGLEMENTS DU JEU ALTER PAPAGEI

Alors tu veux jouer au Vieux perroquet ? Tu n’as pas à jouer en allemand, c’est déjà assez compliqué comme ça ! Tu joues juste en français !

Pour ce faire, tu choisis un déclencheur à ta portée. Par exemple, tu t’installes ici ou là, devant une des fenêtres de la maison ou de l’appartement où tu habites. Et, tu observes simplement ce que tu vois. 

Ou encore, tu choisis juste une pièce de la maison qui t’inspire ou même ton garage où tu ranges tes outils.

Et, tu commences à tenter de nommer tout ce qui se présente à toi, et surtout à prononcer chaque mot, mais de préférence à voix haute.

Puis, tu observes tout, le moindre détail. Un peu comme si tu volais dans l’espace. Tu nommes seulement des mots, dénudés d’article et sans adjectif. Des mots du quotidien. Nus. Bruts.

UNE LONGUE ÉNUMÉRATION

Tu les nommes à haute voix ou tout bas si tu ne peux pas faire autrement. Tu prononces une interminable litanie de mots simples et utilitaires.

Et tu essaies de parler, pas juste avec ton nez, mais aussi avec ton larynx, c’est-à-dire avec ta gorge ! Dégage-le, au besoin, racle-le ! Jardine-le !

Parfois, cette belle caisse de résonance est comme endormie. On peut arriver à la réveiller en croassant comme le font les corbeaux.

Si ça demeure impossible à faire, alors n’hésite pas à aller consulter pour obtenir une évaluation professionnelle de ton état.

De cette énumération, tu peux composer une sorte de longue chaîne de mots, idéalement audibles et intelligibles ; un fil conducteur tendu vers l’avenir et surtout vers l’autre, ton interlocuteur. 

Un fil d’Ariane qui pourrait te permettre bientôt de communiquer à nouveau verbalement et de sortir de ton aliénation sociale.

Comme dans cette image…

EXEMPLE D’OBSERVATION / ÉNUMÉRATION

« De ma fenêtre ou à partir de cette photographie, je vois, je répète, et au besoin, je note, j’ajoute même des mots, des éléments ou objets, qui ne sont pas dans l’image »…

Jour, soleil, nuages, sentiers, neige, maison, fenêtre, rideau, pôle, vitre, séparateurs, cèdres, troncs, neige, poudrerie, sentiers, glace…

marches, patio, sorbier, oiseaux, feuilles, chêne, cueillir, cueille, cueillette, nature, culture, kolkwitzia, jardin, oméga, Poséidon, graminées, miscanthus, Bouddha, éveillé, lilas, branches, carquois…

DES MOTS DÉCLENCHEURS, PUIS DES PHRASES

Aussi, dès que tu t’enfarges avec un mot ou un son ; tu ralentis, tu restes avec lui. Ça vaut la peine d’essayer de le répéter souvent, jusqu’à ce qu’il devienne naturel, comme si tu l’avais prononcé depuis toujours !

Puis, tu notes ce mot problématique sur un papier. Car, il risque tôt ou tard de te causer des ennuies.

Tu bégayes ? Les syllabes se bousculent dans ta bouche ? Ce n’est pas grave, prends une bonne respiration, concentre-toi et recommence. Comme le disait si bien Cicéron (de -106 à -43 av. J.-C.) : « la patience est la mère de toutes les vertus ».

À la fin de chaque séance, tu choisis trois ou quatre mots problématiques que tu as retenus et tu tentes de faire une courte phrase que tu répéteras à volonté jusqu’à la perfection.

Par exemple avec ces deux mots : cèdres, troncs… ça pourrait donner :

– Mon vieux cèdre a trois troncs.

– Un cèdre à trois troncs, c’est rare !

Ouf ! Pas facile à dire ? Alors, vas-y et répète cette phrase jusqu’à ce que des personnes de ton entourage t’entendent et idéalement comprennent le jeu !

Au moment précis où tu prononces cette fameuse phrase, ce n’est pas ça que leurs pauvres oreilles veulent entendre : who cares ! Vas-y ! Répète-la comme on répète un texte pour une pièce de théâtre contemporaine.  

Puis, si tu peux inventer d’autres phrases qui ressemblent à cette dernière, tant mieux pour toi !

– Le cèdre a quatre troncs.

– Demain, il cède les quatre clôtures à son voisin.

– Il accède au salon à tâtons.

– Aucune minorité n’a à payer les taxes foncières de ses bons voisins.

* * *

C’est ça, le jeu du Vieux perroquet ! À la longue, avec lui, tu pourras peut-être arriver à reprogrammer ton cerveau, ce grand Ami cérébral.

L’objectif est qu’il conserve sur ton « disque dur personnel » une banque de mots que tu connaissais déjà, en les remettant au goût du jour, au service de ta parole. À toi de jouer !

VARIANTES...

CONTINUITÉ

Le lendemain, tu choisis une autre fenêtre et ainsi de suite durant une bonne semaine ou jusqu’à ce que ça débloque.

Les fenêtres ne t’inspirent pas ? Pourquoi alors ne pas choisir une image de calendrier et faire le même exercice ! Cette image représente un grand orignal de notre beau Canada, penché au bord d’un lac avec son immense panache : vas-y et décris ce que tu vois !

* * *

CONSTITUER DES LISTES DE MOTS QUI CONTIENNENT CE SON

À partir de tes observations, choisir un son qui te pose problème, comme la voyelle nasale ON par exemple.

Et, commence une liste de mots : BALCON, CONVERSATION, EXPLORATION, LONG, MAISON, SAISON, SON

Complète avec d’autres mots !  Puis, crée de petites phrases que tu pourras répéter jusqu’à ce que ce le son ON soit facilement prononcé et prêt à être intégré dans une conversation.

 

Des déclencheurs importants…

Mon point de départ avec l'orthophoniste Karo...

Quelques heures après mon AVC… une première rencontre avec l’orthophoniste Karo. Elle me dit…

– Pour la parole, il vous faudra recommencer à la base…

Par des BA, BE, Bi, BO, BU… des GA, GUE, GUE, GUI, GO, GÜ… des TA, TE, TI, TO, TU… et le reste ! Vous comprenez ? Il faudra recommencer à prononcer, faire des exercices orthophoniques…

Je lui ai alors fait comprendre que ça, cet exercice « orthofunniste », c’était comme du Paulo Freire (1921-1997) ! Le grand pédagogue brésilien de l’alphabétisation populaire. Qui, justement, m’avait toujours intéressé au boutte !

Je lui ai fait signe, le pouce dans les airs, que j’étais d’accord, en mettant mon doigt sur le nom de Freire et en pointant vers le ciel. Et elle a dit qu’elle croyait comprendre que ce monsieur Freire était une « sommité » en la matière !

LU + NA = LUNA L'équation de Freire

Ouf ! L’orthophoniste m’a donné tellement de pistes, de devoirs à faire que cette visite a été inestimable dans le déclenchement de mon retour à la parole ! Une vraie mine « d’art » ! À ce moment-là, c’était plus facile pour moi d’y aller à partir de l’espagnol.

Ainsi, à partir de la technique Paulo Freire et de deux syllabes suivantes, LU + NA, j’ai pu rapidement composer le mot « LUNA ». 

Puis, la syllabe « LA », placée devant « LUNA » ça te donnait LA LUNA (la louna)… et je réussissais même à prononcer facilement ce mot au complet. Pas mal pour quelqu’un qui était muet, il y a encore quelques minutes… La connexion se faisait donc entre mon cerveau et, disons, mes outils de la parole.

Et de ce tremplin espagnol – une langue dans laquelle il n’y a ni lettres muettes, ni voyelles nasales (in, un, on, an), ni liaisons comme en français et en grec, je pourrais revenir vers le français, mais seulement peut-être après avoir trouver le moyen de remettre en marche ma mécanique de la parole.

L’espagnol, c’est une langue dans laquelle chaque syllabe se prononce et où les mots se construisent, comme un jeu de Lego.

De LA LUNA j’ai donc pu facilement sauter à « LA LUNE ». La fameuse lune : j’arrivais aussi à prononcer ce mot français approximativement. Mais, c’était pourtant tellement moins facile à articuler, parce que trop nasillard.

Puis, la grande Princesse Karo m’avais laissé sur ces précieux conseils…

– Écoutez monsieur, d’ici à ce qu’on se revoit, continuez à essayer de parler ! Surtout, il faut lire à haute voix.

– Dès aujourd’hui, essayez de compter de un à dix et plus ; il vous faut arriver à énumérer les jours de la semaine, les mois…

Je me suis alors dit qu’il me fallait commencer tout de suite, ne pas attendre ni l’État, ni Dieu, ni les influenceurs, ni la famille et les amis, ni même le Prince Cérébros, mon fidèle protecteur imaginaire. Désormais, c’était le « Aide-toi et le ciel t’aidera ! ».

* * *

Les aventures du Prince Cérébros…
Troisième épisode :
LE COULOIR-DORTOIR

ESSAYER DE PARLER À NOUVEAU…
ÉCRIRE • CRÉER • DEMEURER EN LIEN AVEC SON ENTOURAGE • DÉCOUVRIR • RASSURER • PARTAGER

Installation photographique Papagei-2 • L. Couture • 2023

Mes premières énumérations personnelles suggérées par l’orthophoniste Karo.

PAPAGEI 1, 2, 3 et 4 • L. Couture • Petits formats thématiques • Acrylique et techniques mixtes sur divers supports • 4 x 4 po • 2023

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