Autoportait • Francine Levac.
Acrylique sur toile, vers 1984.
Texte : mise à jour : octobre 2023
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Francine Couture Levac
(1946-2023)
Le 22 septembre dernier, notre belle Francine nous a quittés à l’aube. Depuis quelques années déjà, son état de santé s’était grandement fragilisé.
Dans ses derniers instants, Francine a été accompagnée par un personnel soignant dévoué et elle était entourée de ses proches.
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Au printemps 2024, un rendez-vous dédié à Francine...
Le dernier adieu à Francine se fera, selon ses voeux, en toute intimité. Mais, son fils Hans pense déjà à lui dédier une rencontre souvenir printanière – familiale et amicale – à Hawkesbury, pour célébrer la créativité de Francine.
Extrait d’un partage Facebook de Hans Levac…
« Bye ma belle p’tite moman… J’animerai une célébration de la vie à Hawkesbury au printemps. Un déjeuner traiteur stand up pour ceux qui l’ont connue, où je compte exposer mes œuvres d’art préférées de la multitude qu’elle a faite.
Le reste sera mis aux enchères avec tous les bénéfices reversés à une institution locale qu’elle aimait beaucoup, le Centre culturel Le Chenail. » https://www.lechenail1975.com/
Pour lui rendre hommage, j’ai pensé mettre à jour cet article écrit en 2018.
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Ah ! La famille ! Quel creuset et quelle source d’inspiration ! Au fil du temps, je revisite certains objets de mon enfance qui ont été créés par mes proches.
Ce processus me conduit à repenser à ces personnes qui m’ont tant inspiré.
C’est aussi une bonne occasion pour questionner la fameuse créativité IN-SITU, pour ne pas dire INTIMUS, et son pendant : la reconnaissance.
Tout comme pour tante Alice Julien, ma DS Francine – ma déesse ou si vous préférez my Dear Sister Francine – est une de ces personnes.
Dans cet article, je vous présente une des déesses de mon enfance sous la forme d’un dialogue imaginaire, dont elle fut la toute première lectrice…
L. Couture
Francine Levac – Mon cher Louis, récemment, j’ai été vraiment surprise par l’intérêt que tu as manifesté à l’égard d’une de mes vieilles toiles de jeunesse !
Louis C. – Tu veux parler de ce tableau mythique de la mère et de l’enfant, inspiré d’une image autochtone ? Celui peint par l’adolescente des années 1960.
Francine – C’est en plein ça !
Louis – Mais Francine, ce tableau a bercé mes jeunes années ! Je l’ai sans doute regardé un million de fois. Il a été témoin de tellement d’évènements familiaux joyeux et moins heureux.
Il a été présent dans chacune des résidences de nos parents Denyse et Fernand : bien accroché au salon, tout près du portrait de la petite Mexicaine de tante Angéline et d’oncle Lorenzo.
Voici la fameuse peinture de jeunesse que j’aime tant. • Sans titre, par Francine Levac. Années 1960 • 16 x 20 po
Oui, mais Louis, je n’ai jamais été pleinement satisfaite des mains de mon personnage féminin, elles sont trop…
Trop quoi ? Ah ! Cocotte on s’en fout des belles grosses mains de paysanne de ton personnage ! Paul Cézanne (1839-1906) aussi peignait des personnages avec de grandes mains.
Qui le lui reproche aujourd’hui ? Ce qui compte, c’est la valeur que ton entourage a accordée à cette image.
Tu vois, à l’époque, j’ai assisté en direct à une réaction tellement positive de la famille face à ton « oeuvre ». Puis, elle fut suivie par celle des amis et des visiteurs du dimanche qui parfois voyaient même dans cette mère, une Madone.
Dans ma tête d’enfant, je me suis peut-être dit qu’il y a avait quelque chose de très gratifiant à être un artiste. Sans vraiment le réaliser, on était en pleine Révolution tranquille et cette l’histoire de tableau a marqué, je pense, la suite des choses pour moi.
Tu vois, je n’ai jamais accordé tant d’importance à ce tableau réalisé par une jeune écolière, au contraire il me semblait qu’il était bourré d’erreurs de toutes sortes.
Le mot admiration ne rime-t-il pas souvent avec exagération !
Pas du tout ! Je pense que le sujet de l’adulte et l’enfant t’a inspiré et qu’il est allé au-delà de sa créatrice.
N’est-ce pas toi, la fille qui dans le passé a porté dans ses bras son géant de petit frère Louis ? Et c’est encore toi qui, devenue femme, porteras tendrement son propre fils Hans.
Il y a eu dans ce rayonnement passager comme une révélation de ce qu’était la reconnaissance. Tu as été pour quelques jours le « numéro 1 » d’un palmarès qui à ce jour n’a pas encore de nom.
La tape sur l’épaule de son entourage est toujours un formidable propulseur, du moins c’est ce que prétendait le sémiologue français Roland Barthes (1915-1980).
Le célèbre artiste pop-art Andy Warhol (1928-1987), quant à lui, prédisait qu’à l’avenir, tout le monde allait être célèbre, mais seulement pour quinze minutes.
Sa prophétie géniale s’appliquait déjà à toi Francine et je t’assure que ta reconnaissance a duré beaucoup plus longtemps que… quinze minutes !
Au fond, ne sommes-nous pas ce que les autres ont fait de nous et surtout ne sommes-nous pas ce que nous faisons de nous-mêmes ?
La création, considérée comme une pratique individuelle, en échappant à son auteur, ne devient-elle pas souvent sociale ?
Chère Francine, merci pour ce souvenir et pour ton « rayonnement » bien réel sur ma vie ! Ta création m’a fait plus d’une fois vibrer, rêver et vivre. Et, ce n’est pas fini !
LE FRANGIN DE FRANCINE
L. Couture • Acrylique sur toile marouflée.
11 x 14 po • 2004
Un tableau, une histoire • Lire plus...
Francine… – Là, je comprends ta réaction lorsque, l’autre jour, je t’ai dit que ce vieux tableau se trouvait là, juste sous nos pieds… dans ma cave.
Louis… – Oui ! Je le croyais disparu, détruit, et nous l’avons retrouvé sous une épaisse couche de poussière : il était intact et toujours aussi énigmatique. Après plus de vingt-cinq ans, quelle joie de revoir cette peinture rangée dans tes archives poussiéreuses !
Justement l’autre jour, l’ami Lejardinier, me rappelait que Pablo Picasso (1881-1973) interdisait formellement à ses ménagères de dépoussiérer ses toiles : il ne voulait pas enlever cette couche protectrice, garante de leur passé en atelier ?
– C’est vrai que ce tableau a eu une belle histoire. À l’École Saint-Joseph, lorsque Sœur Gabrielle l’a vu, elle l’a saisi et elle est partie avec en courant… pour aller le montrer aux autres religieuses… Je revois encore son voile se mettre à flotter dans son sillage.
J’avoue que j’en suis restée bouche-bée ! Au début, je ne comprenais pas ce qui se passait. C’est vrai qu’elle était très gentille cette institutrice qui enseignait les arts et sa réaction enthousiaste m’avait beaucoup surpris et encouragée.
– Donc, ce n’est pas toujours facile de se retrouver soudainement sous le feu des projecteurs d’une Sœur volante, surtout lorsqu’elle vous crie it’s outstanding ! Oui, parfois ce que l’on fait est formidable au regard des autres, dans leur message ils nous disent qu’eux n’ont pas le potentiel pour faire ça. La création c’est une invitation au dépassement de soi et à l’élargissement de ses connaissances. N’est-elle pas aussi une invitation à s’exposer à la re-connaissance ?
– (Rires) Ha ! Ha ! Ha ! Oui Louis, ça doit être ça ! C’est vrai que ça fait du bien lorsque nos créations provoquent un écho favorable chez l’autre.
– Puis au fil du temps, tu as exploré tellement de formes d’art et d’expression : la peinture, la sculpture, l’aquarelle, le vitrail, les textiles avec la haute-lisse, la poterie, l’horticulture, et j’en passe… Tu explorais non seulement ton potentiel, mais différentes entrées en création.
Une exploratrice au coeur d'art • Lire plus...
Francine… – Et, tu oublies la photographie ! C’est vrai que ça en fait beaucoup… Comme tu le dis, j’ai beaucoup exploré, et mon but premier c’était l’exploration et pas nécessairement de m’ancrer et de percer dans un domaine en particulier…
Louis… – Je pense que créer, explorer en pleine liberté, comme tu l’as fait Francine, c’est porteur de révélation et d’espoir. D’ailleurs, tu as souvent traversé d’autres moments de reconnaissance : par exemple à ta boutique si créative de Montebello et en aidant ta région à re-connaître ses propres artistes.
En créant, sans t’en rendre compte, tu as mis un peu plus de magie, et en toi et dans ton environnement. N’est-ce pas un des buts premiers de l’activité créatrice : entrer en dialogue avec soi-même et avec son monde ?
– Oui, c’est sûr Louis que j’ai fait beaucoup de contacts au fil des ans… et j’aimais tellement créer. Ma curiosité était insatiable et tu sais, c’est encore le cas aujourd’hui.
Lorsque tu es venu photographier mes créations, je me suis tout de même rendu compte de l’étendue de cette… cette… Je ne sais pas trop comment l’appeler…
– De cette œuvre Francine ! Certes éparse, variée et tellement vivante ! Je pense que ta vie a coïncidé avec un moment historique où les femmes avaient la possibilité de sortir de leur rôle traditionnel et pouvaient faire autre chose que seulement penser à être « la reine du foyer ».
Elles pouvaient enfin s’inscrire à leur façon dans leur imaginaire, leur rêve, leur devenir, et se prendre en charge. Je pense que créer c’est une façon d’aller vers plus d’autonomie, d’affirmation de soi et c’est également un moyen pour pratiquer une forme de distanciation.
Certes, comme pour tout le monde, la famille et le monde du travail ont eu sur toi leur part de contraintes, d’exigences. Mais, en plus d’aller travailler, d’avoir une famille et de poursuivre tes études universitaires, tu as aussi pu économiser un peu de temps pour créer de tes mains et de ton esprit. Tu ajoutais évidemment un « plus » à ton présent. Créer, n’est-ce pas in-former la vie qui est nôtre et autre à la fois ? Et cent fois sur le métier…
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Beau texte Louis, très touchant.
Les photos sont superbes, je garde un bon souvenir…De ses toiles tant de fois visitées lors de Rencontre familiales du Jour de l’An chez tes parents.
Je t’embrasse,
D.
Très beau Louis, ce dernier article.
Quel voyage que ce retour vers les personnes et créations qui t’ont inspirées depuis si longtemps.
J’ai beaucoup aimé tes deux petits onglets qui nous permettent de poursuivre et prolonger la lecture si intéressés ou de se limiter au volet plus court.
Un merveilleux site que tu poursuis et mets à notre disposition d’une façon de plus en plus raffinée et efficace.
Bravo cher Louis!
Salut Louise ! Oui, l’ajout des onglets, c’est une suggestion de mon coach Bernard Lemieux. Je l’adopte pour rendre un texte trop long plus accessible. Avec WordPress, il y a tellement de possibilités. À la prochaine !
Tellement touchant, Louis. Comme d’habitude, tu ne fais pas les choses à peu près. Tout ce que tu entreprends nous transporte dans un monde empreint de beauté et de sensibilité.
MERVEILLEUX site !
Cher petit cousin, c’est très beau ce que tu peux dire de ta soeur. Cette admiration est très touchante. Tu as raison d’aimer ce tableau de sa jeunesse, il est magnifique. Merci cousin de me faire connaître les pages de vie de ta famille.
Bonjour Hélène. Merci pour ton commentaire ! Ça fait du bien parfois de revisiter ses racines familiales. D’autres articles du genre sont en préparation. Bon printemps !
Avec ta tante Alice et aujourd’hui, ta soeur Francine, t’explores, Louis, le terreau de ta créativité. Tu en fais une véritable activité humaine. Tu insères l’intimus dans l’in situ, le biographique dans le social. C’est une véritable sociologie de l’imaginaire à l’oeuvre avec un passé, un présent et son impact sur nos vies. C’est une pratique insérée au coeur du quotidien avec ses doutes, ses joies et ses performances. Tu humanises l’action créatrice; tu y donnes un corps, un lieu et une époque. Bravo!
Lejardinier
Magnifique texte tellement touchant Louis. Aussi un très bel hommage à Francine que j’ai malheureusement perdu de vue avec le temps et les saisons. Hommage à sa grande créativité, à la tienne aussi. Merci de me rappeler…. et Bon courage!
Merci Claire pour ce commentaire élogieux et ton encouragement. Venant de toi… ça vaut de « l’art » !
Merci Louis de me faire rencontrer ta sœur à Nouveau !
Tout est tellement beau et je suis ébahi de voir cette créativité …quelle famille
À très bientôt
Ton cousin François Tellier
Cousin François, merci ! Ce matin, j’accueille les bras ouverts ton commentaire, avec la toute première neige. Oui, Francine avait un très grand potentiel. La fibre créatrice, ça court dans la famille. Le deuil poursuit son chemin. On garde notre précieux contact !